Mercedes-Benz Classe B F-Cell (2011)Par Eric Bergerolle - lequotidienauto.com - 04/02/2011
Source : automobile.challenges.fr Via des participations financières, Daimler contrôle la totalité de ses fournisseurs clés :
Ballard Power Systems pour la pile à combustible, NuCellSys GmbH pour son pilotage,
et Deutsche Accumotive GmbH & Co. pour la batterie au lithium-ion.
La pile à combustible tarde à éclore. Pour prouver que ce n'est pas par manque de mise au point mais plutôt faute d'hydrogène en station service, Mercedes-Benz organise un tour du monde en Classe B F-Cell. Nous avons parcouru 150 kilomètres de cette ronde promotionnelle. Honda, Nissan, Renault, Toyota, General Motors, Hyundai et Daimler le répètent à qui veut l'entendre : la pile à combustible est prête à alimenter la voiture électrique. Celle qui saura rallier Paris à Bordeaux sans s'interrompre cinq heures pour recharger ses accus. Le grand public ne voit pourtant rien venir. Pour lui c'est sûr, les constructeurs jouent avec leurs voitures miracles comme avec des marionnettes : ainsi font, font, font ; trois p'tits tours et puis s'en vont ! Une démonstration par ci, un tour d'essai par là et puis c'est tout.
Daimler en a soupé de cet immobilisme apparent. En cette année du couronnement de la Nissan Leaf 100 % électrique, élue Voiture de l'Année, le constructeur allemand aime à rappeler que ses recherches sur la pile à combustible entamées en 1991 se poursuivent. Mieux, elles auraient abouti à une voiture que l'Etoile estime d'ores et déjà conforme aux contraintes d'une fabrication en série.
La pile à combustible et les batteries apparaissent à première vue comme deux solutions concurrentes à une seule et même problématique : alimenter le moteur électrique de la voiture à émission directe nulle. À ceci près que si l'avènement de la technologie lithium-ion permet d'envisager la généralisation du tout-électrique en ville, il ne résout pas le problème du transport sur longues distances, entravé par les contraintes de coût et d'encombrement des batteries.
Daimler maintient trois fers au feu :
les hybrides de toutes sortes,
la voiture électrique et, à plus longue échéance,
la pile à combustible. Voilà aussi pourquoi Mercedes-Benz empoigne son bâton de pèlerin dans la foulée de Honda qui, voici un an, organisa en Europe une tournée promotionnelle de la FCX Clarity produite à quelques centaines d'exemplaires pour les Américains. L'objectif est le même : convaincre les industriels qu'il est temps d'investir dans la filière hydrogène, et persuader les gouvernements qu'il est nécessaire de la soutenir par une fiscalité adaptée. Parce que sans station où faire le plein, la voiture à émission nulle n'ira guère plus loin que le centre ville.
Dépaysement négligeable, prise en main immédiateOn ressent toujours quelque appréhension à prendre les commandes d'un véhicule dont le constructeur s'interdit par pudeur de révéler la valeur vénale. Un million d'euros ? Deux millions ? Difficile à dire. "D'ici 2012, nous aurons produit deux cents Classe B F-Cell", expose Arwed Niestroj, ingénieur en charge de la gestion de la flotte de véhicules expérimentaux à pile à combustible chez Mercedes-Benz. "Si je devais appliquer une logique comptable, il me faudrait répartir sur ces quelques exemplaires la totalité du coût des recherches et du développement investi depuis vingt ans."
Quoi qu'il en soit, le dépaysement procuré par la conduite de cette Classe B F-Cell dévoilée au public au Salon de Francfort 2009 est sans rapport avec son prix de revient. Encore moins avec son avant-gardisme. Comme toutes les piles à combustibles qui l'ont précédée, la petite Mercedes-Benz prend un malin plaisir à décevoir le technophile assoiffé d'expériences du troisième type. Sa mécanique souple, silencieuse et pleine de vigueur se soumet à la volonté du conducteur avec une discipline aussi évidente que désespérante. C'est bien simple, s'il n'y avait cette teinte d'un vert criard et un concert de sifflements en tous genres pour nous le rappeler, on oublierait bien vite la nature extraordinaire de cette Classe B à transmission automatique. Même comportement routier alerte, même amortissement trépidant et même position de conduite agaçante, avec son volant trop vertical… Tout y est !
C'est aussi bien ainsi. Lorsqu'on se propose de parcourir trente mille kilomètres à travers quatorze pays et quatre continents en cent vingt-cinq jours, et lorsqu'on envisage de confier le volant en cours de chemin à près de cent cinquante journalistes, on apprécie de savoir que la prise en main de la Classe B F-Cell ne réserve aucune difficulté particulière. Tout l'intérêt du "B-Class Fuel Cell World Tour" est là : démontrer que la voiture à pile à combustible de Mercedes-Benz accélère, vire et freine comme n'importe quelle autre Classe B. Même le ravitaillement se complaît dans la convention !
Oubliez les images de bras robotisés et de techniciens en combinaisons ignifugées enveloppés de vapeurs givrées. Dorénavant, on se saisit à main nue d'un pistolet anodin que l'on verrouille d'un geste. Une pression continue sur un poussoir et la procédure démarre, s'étalant sur trois minutes environ. Les habitués des pompes de GPL ne seront pas dépaysés !
La mise en route est encore moins spectaculaire. Un tour de clé suffit à démarrer la Classe B F-Cell. Encore qu'il faille jeter un coup d'œil à la jauge de puissance disponible nichée à gauche du combiné d'instrumentation pour s'en convaincre. "Au démarrage, l'aiguille se stabilise aux alentours de 40 % car la pile ne débite pas à plein tant qu'elle n'est pas montée à bonne température", explique Arwed Niestroj. "Une fois les 80° C atteints, elle délivre 100 % de sa puissance. Entretemps, c'est la batterie tampon au lithium-ion qui assure le relais".
Il en est de même lors d'un arrêt à un feu rouge. La pile à combustible s'interrompt afin d'économiser l'hydrogène contenu dans trois réservoirs en fibre de carbone (4 kg de gaz comprimé à 700 bars). La batterie Li-Ion signée Deutsche Accumotive GmbH & Co. alimente alors l'éclairage, l'essuie-glace, la radio, le chauffage et le climatiseur tant que dure l'arrêt. Cet accumulateur puise l'essentiel de son énergie (1,4 kWh ou 35 kW) de la conversion de l'énergie cinétique : à chaque lever de pied, le moteur électrique s'inverse et devient génératrice de courant.
Le moteur électrique synchrone à aimant permanent qui entraîne les roues avant de la Mercedes-Benz Classe B F-Cell développe la puissance de 100 kW (136 chevaux) pour un couple instantané de 290 Nm. De quoi assurer au petit monospace des accélérations et des reprises aussi vigoureuses qu'un moteur à essence de deux litres de cylindrée, pour une consommation moyenne environ trois fois moindre.
Selon les calculs de Mercedes-Benz, la Classe B F-Cell consommerait en effet l'équivalent de 3,3 litres de gazole aux cent kilomètres (nouveau cycle mixte européen).
Soit moins d'un kilogramme de d'hydrogène pour cent kilomètres. La Classe A F-Cell née en 2004 avouait un appétit supérieur d'environ 30 % pour une puissance inférieure de 40 % et une pile plus encombrante de 40 %. Voilà qui donne une idée des progrès accomplis ces dernières années.*
L'appétit mesuré de la Classe B F-Cell lui garantit en théorie une autonomie de 400 km en conditions de circulation optimales. Gageons que les chauffeurs maison sont passés maîtres dans l'art d'égaler ce chiffre remarquable. Pour notre part, résolus à goûter à la vigueur des accélérations de la Classe B F-Cell (0 à 100 km/h en 4 s) à défaut de pouvoir vérifier sa vitesse de croisière fixée à 170 km/h, nous avons vidé près de la moitié du réservoir en l'espace de 150 km de routes nationales et d'autoroutes dans la région parisienne. Pied léger paie toujours ! La promesse de parcourir 300 à 400 km sans émettre de manière directe le moindre gramme de dioxyde de carbone laisse songeur. Mais elle soulève aussi quelques questions primordiales. Où faire le plein ? Pour quel coût ? Combien d'énergie pour produire l'hydrogène et le transporter ? Quid en cas d'accident au volant d'une Classe B à pile à combustible ?
Voici quelques années, lors d'une journée d'essais telles que celle-ci, quelqu'un parmi l'assemblée de journalistes se serait invariablement ému du risque induit par une telle quantité d'hydrogène en cas de choc ou d'incendie… Aujourd'hui, il est symptomatique de constater que personne ne s'en préoccupe plus. Sachez qu'aux yeux d'Euro NCAP, la Classe B F-Cell mérite la même note de cinq étoiles que sa sœur à motorisation conventionnelle.
La solidité de ses réservoirs chargés à 700 bars est testée en usine à une pression double. Quant au gaz lui-même, il est moins dangereux qu'il n'y paraît.
"L'hydrogène est un gaz à diffusion rapide", précise Eric Guajioty de Linde France, producteur dudit gaz et partenaire de Mercedes-Benz. "Autrement dit en cas de fuite, et contrairement aux vapeurs d'essence ou bien au gaz naturel qui stagnent et s'enflamment, l'hydrogène s'élève et de disperse rapidement. Le risque d'explosion est bien moindre qu'avec un carburant traditionnel."
Deux fourgons Mercedes-Benz Sprinter aux couleurs de Linde chargés de faire le plein des trois Classe B les accompagneront durant tout le F-Cell World Drive. Ils embarquent non pas une bonbonne d'hydrogène géante mais un énorme compresseur électrique de 45 kW pesant près de 500 kg. Alimenté par des bouteilles d'hydrogène telles que celles que l'on trouve couramment dans l'industrie, il est capable de débiter 9 kg/h d'H2.
"Le kilogramme d'hydrogène revient ainsi aux alentours de 8 à 9 euros", estime Eric Guajioty. "Ce qui permet d'évaluer à 32-36 euros le plein d'une Classe B F-Cell". Pour l'heure, seules soixante-dix stations de par le monde délivrent de l'hydrogène. "Ceci représente pas loin de 200.000 pleins délivrés dans 15 pays", précise Eric Guajioty. "Manière de dire que la technologie n'a rien de balbutiant et qu'elle s'avère parfaitement maîtrisée". La pompe est prête, la voiture est prête, tout comme le grand public. Qu'est-ce qui retarde la naissance de la pile à combustible ? La filière de production et de distribution de l'hydrogène, bien sûr ! La difficulté n'est pas de produire ce gaz, encore qu'il faille se préoccuper du coût énergétique. Le goulet d'étranglement se situe au niveau de son transport jusqu'aux points de ravitaillement que l'on voudrait à terme aussi nombreux que les pompes à essence.
"Les contraintes techniques sont telles qu'au-delà d'une distance de 200 à 300 km, transporter l'hydrogène devient un non-sens économique", résume Eric Guajioty. "Nous estimons que le rapport est le suivant : pour transporter un kilogramme d'hydrogène, il faut déplacer sept kilogrammes de métal (camions, tuyaux, pompes, etc.). Ce ratio incite à multiplier localement les petites usines de production, l'idéal étant à terme que chaque foyer dispose de sa propre petite centrale."
Honda, pour ne citer que ce constructeur n'envisage rien d'autre lorsqu'il travaille à la mise au point de stations de recharge solaires destinées aux foyers du futur. L'électricité d'origine photovoltaïque assure l'électrolyse de l'eau et la production d'hydrogène en continu. Alternative tout aussi intéressante : le vaporéformage à base de méthane issu de la biomasse. Là encore, Honda travaille à la mise au point de petites stations de recharge domestiques. À l'avenir, vos poubelles pourraient servir à faire le plein de la voiture ! La filière industrielle mise elle aussi sur la biomasse pour améliorer le bilan énergétique de la production de l'hydrogène et réduire sa dépendance des hydrocarbures employés dans le procédé de reformage. "Si l'on considère le bilan énergétique du puits à la roue, on considère que la production d'un kilowatt d'hydrogène génère 30 % de CO2 de moins qu'un kilowatt d'essence. La différence paraît négligeable de prime abord, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit de CO2 captable à la source, et pas d'une émission diffuse, répartie entre plusieurs milliers de pots d'échappement", explique Eric Guajioty. "Ces 30 % se transforment en 80 % d'émission de CO2 en moins si l'on adopte le procédé de biomasse, puisqu'il s'agit de recycler du carbone déjà émis."
La flotte de soixante Mercedes-Benz Classe A F-Cell produites en 2004 et 2005 a déjà parcouru plusieurs millions de kilomètres. Les trente mille kilomètres qu'engrangeront les trois Classe B F-Cell parties le 29 janvier de Stuttgart pour un tour du monde apporteront sans doute leur lot d'enseignements. Gageons toutefois que c'est le grand public qui en apprendra davantage que Mercedes-Benz au cours des 125 jours de ce périple. Sous réserve d'obtenir le coup de pouce espéré des industriels et des gouvernements, Mercedes-Benz estime qu'il n'est pas utopique d'envisager une commercialisation d'ici 2015. À quel prix ?
Les deux cents Classe B F-Cell produites d'ici la fin 2012 seront louées à des automobilistes américains durant deux à trois ans, contre un loyer mensuel "tout compris" de 950 euros (hors carburant). "Notre objectif à l'horizon 2015 est de proposer en Europe la descendante de la Classe B F-Cell à un prix voisin ou bien légèrement supérieur à celui d'une hybride Diesel haut de gamme", révèle Arwed Niestroj. Ce qui laisse entendre que le constructeur allemand serait prêt à fabriquer et à vendre à perte les premières voitures à pile à combustible afin d'amorcer leur carrière. Car Mercedes-Benz comme ses concurrents restent persuadés que le prix de revient de la pile baisser sensiblement et rapidement à mesure que les cadences de fabrication augmenteront.
Pour l'heure, aucun des constructeurs engagés dans la course à l'hydrogène ne daigne chiffrer précisément le coût de revient d'un kilowatt/heure produit par leur pile à combustible. On aimerait pourtant le comparer au coût du kilowatt/heure d'une batterie au lithium car à mesure que cette dernière améliore ses performances, l'atout de la pile à combustible qui consiste à s'affranchir des accumulateurs s'amenuise. Affaire à suivre.
EN RESUME : Mercedes-benz Classe B F-Cell (2011)Les plus +
Prise en main immédiate
Vigueur, silence, souplesse
Habitabilité et modularité préservés
3 minutes pour faire le pleinLes moins -
Amortissement trépidant
Hululements de la mécanique agaçants
Les 400 km ne sont à la portée que des plus fins éco-conducteurs
Les piétons ne l'entendent pas venir !Source : automobile.challenges.fr