La Maybach Exeleropar : Jean Michel Cravy le 19/12/2005La découverte du concept car Exelero au salon de Francfort 2005, fut incontestablement un choc. La star du Salon. Une chose monstrueuse, noire, grimaçante, impressionnante. Le dernier caprice de Batman ? Non, une commande de Fulda, un équipementier spécialiste des pneus haut de gamme. La Maybach Exelero est un modèle unique conçu pour être la vitrine de performances des pneus du manufacturier Allemand. Peu connu du grand public, Fulda est un spécialiste qui chausse les voitures d’exception.
Celle-ci n’est pas née, contrairement à ce que pourrait laisser croire sa silhouette violemment exubérante, d’un pari stupide entre collègues, un soir de beuverie au bar du coin après une journée harassante. Un peu d’histoire…
En 1938 déjà, Fulda avait sollicité Maybach pour réaliser une voiture de record chaussée de ses produits. La Maybach SW38, animée par un six cylindres de 140 chevaux, profilée comme une goutte d’eau, avait alors atteint la vitesse de 200 km/h. Pas mal pour l’époque… De cette fameuse SW38, il n’est rien resté, que quelques photos et des plans succincts.
Pour célébrer son centenaire et tester une nouvelle gamme, la marque a tout simplement créé un modèle en collaboration avec Maybach. Modèle d’origine, la berline Maybach 57 fut transformée en coupé surpuissant pour démontrer la qualité et la résistance des pneus Fulda. Elle fut modifiée mécaniquement pour passer la barre des 350 km/h nécessaires aux tests pneumatiques.
Elle dispose ainsi d’un V12 biturbo, qui passe de 5,6 à 5,9 litres et développe 700 ch pour un couple de 1020 Nm à 2500 tr/min… Malgré une balance qui culmine à 2660 kg, la Maybach Exelero abat le 0 à 100 km/h en 4,4 secondes avec une impressionnante vitesse de pointe de 351,45 km/h. Chronométrée par une instrumentation homologuée par la FIA sur le circuit de Nardo en Italie, la Maybach Exelero détient le record du monde de vitesse avec 351,45 km/h. Alors, la Maybach : coupé ou dragster ?
Sur le plan du style, cette voiture très spéciale, baptisée du nom de ses pneus, destinée à devenir la Maybach la plus rapide de tous les temps devait en revanche exprimer une interprétation moderne de l'ancienne Maybach SW 38 de la précédente collaboration avec Fulda.
Les responsables eurent l'idée de solliciter la collaboration de deux professeurs du département « design des transports » de l'école polytechnique de Pforzheim, près de Stuttgart. Ceux-ci sélectionnèrent quatre parmi leurs meilleurs étudiants pour leur demander de plancher sur leur interprétation de l'Exelero, en liaison avec les designers de DaimlerChrysler. Le team travailla pendant huit mois sous la direction du professeur Harald Leschke, et ce fut la proposition de l'étudiant Fredrik Burchhardt qui fut principalement retenue.
L'Exelero est un immense et somptueux coupé, agressif à souhait. Ses dimensions, à elles seules, laissent rêveur : 5,90 mètres de long, largement plus de deux de large, pour une hauteur limitée à 1,40 m. L'empattement est proprement gigantesque : 3,39 m. Quant au poids, il est pantagruélique : près de 2,7 tonnes à vide, et presque trois tonnes en ordre de marche. C'est que les partenaires n'ont aucunement cherché à faire ultra light. Ils voulaient une voiture conforme aux standards de Maybach : une très solide construction (chassis multitubulaire largement dimensionné), et aucun sacrifice fait au confort et au luxe.
Petit retour en arrière, la génèse du projetEn fait, l'histoire commence deux ans plus tôt, sur ce même salon de l'auto de Francfort. A l'époque, les dirigeants de Fulda cherchaient à célébrer en grandes pompes le centenaire de la marque qui approchait. Ils s'étaient souvenus de l'aventure que Fulda avait commandité à Maybach, il y a bien longtemps, avant que le constructeur ne disparaisse, puis soit ressuscité par DaimlerChrysler. Et s'étaient dit que ce serait une très bonne idée que de la renouveler avec la Maybach nouvelle manière. Et c'est Robert Staud, un photographe renommé, familier de DaimlerChrysler, qui mit en relation le patron de Fulda, Bernd J. Hoffmann et celui de Maybach, Leon Hustinx. Les deux hommes tombèrent rapidement d'accord. Et sur le principe, et sur le cahier des charges, prévoyant la construction d'une Maybach techniquement aussi proche que possible d'une 57 de série, mais capable d'atteindre 350 km/h avec les nouveaux pneus Fulda : des Exelero Carat homologués pour des routières de haut niveau.
L'habitacle de l'Exelero, tendu de cuir et de néoprène, rehaussé d'aluminium, est tout à fait digne et raffiné de celui d'une 57 ou d'une 62, et aussi complètement équipé. Seules quelques petites touches de carbone supplémentaires, et l'emplacement réservée à l'arrière pour une paire de casque… en carbone naturellement, viennent souligner le caractère sportif de cette Maybach hors normes. Le carbone a également été naturellement choisi pour la carrosserie, peinte d'un noir menaçant.
Après des tests en soufflerie, l'Exelero a été assemblée à Turin, chez le spécialiste italien du cousu main Stola. Les jantes Ronal de 23 pouces sont largement chaussées en Exelero Carat 315/25. Chaque roue pèse à elle seule la bagatelle de 46 kilos ! La mise au point a été menée à bien sous la direction de Jürgen Weissinger, le responsable développement de Maybach. Très rapidement, il s'était aperçu que le V12 biturbo de série de la 57 serait insuffisant, avec ses 550 chevaux, à assurer la vitesse espérée. Les spécialistes d'Untertürkheim se sont donc mis au travail, portant la cylindrée de 5,6 litres à 5,9 litres, optimisant la suralimentation. Résultat : 700 chevaux, et un couple ahurissant, dépassant largement les 1000 Nm ! De quoi faire souffrir la boîte automatique… Un test d'endurance de 100 heures à pleine charge au banc d'essai, soit l'équivalent de 15 000 km à plein régime, valida les performances de la mécanique. L'Exelero s'offrit encore quelques galops d'essai aux mains de Klaus Ludwig (3 fois champion DTM et vainqueur des 24 H du Mans) sur l'anneau de Cloppenburg.
Le 31 mai 2005, tout était prêt pour la tentative de record, sur l'immense piste de Nardo, dans le sud de l'Italie, longue de 12,5 km. Ludwig s'installa dans son douillet poste de pilotage, s'élança dans un grondement de tonnerre, abattit le 0 à 100 km/h en 4,4 secondes, et dès le deuxième tour, il atteignait la vitesse dûment homologuée de 351,45 km/h, nouveau record homologué pour une « limousine chaussée de pneus de série »…
l'Exelero restera unique, à jamais. Espérons qu'elle ne disparaissent pas un jour, comme son auguste ancêtre, la SW 38… Maybach, était jusqu’ici la marque de tous les superlatifs du luxe et du raffinement le plus extrême au sein du groupe DaimlerChrysler. Elle sera désormais également la marque détentrice d’un étonnant record du monde de vitesse, grâce à une extraordinaire "batmobile": l’Exelero.
Interview de Thibault de Maredsous (Responsable des relations publiques Mercedes en France)Par : Jean Michel Cravy, le 21/12/2005
Thibault de Maredsous, a bien voulu nous expliquer le dessous des cartes de l'opération Exelero, ce surprenant concept car présenté au salon de Francfort, 2005 et crédité d'un record officiel de plus de 350 km/h sur le circuit de Nardo.
Motorlegend : Maybach a créé la sensation au salon de Francfort, en septembre dernier en dévoilant un concept car particulièrement exubérant. La marque, jusqu'ici vouée au luxe de haut niveau, aurait-elle décidé de changer de style ? Thibault de Maredsous : La marque Maybach a pour vocation la poursuite de l'excellence sous toutes ses formes. Le luxe poussé à son paroxysme, bien sûr, mais aussi l'excellence technique. En ce sens, l'Exelero, qui vient d'établir un record du monde à plus de 350 km/h dans la catégorie des berlines, est tout à fait dans la ligne de la philosophie Maybach.
Motorlegend : Dans quel esprit a été créée l'Exelero ? Annonce-t-elle un futur coupé Maybach hautes performances ? TdM : Soyons clairs, l'Exelero reste et restera un objet unique, sans descendance dans le domaine de la voiture de série. D'ailleurs, son patronyme est celui du pneumatique qui l'équipe, produit et développé par l'équipementier allemand Fulda, qui souhaitait un vecteur pour mettre en valeur son nouveau pneu haute performance, l'Exelero Carat.
Motorlegend : Pourquoi Fulda s'est-il adressé à Maybach plutôt qu'à un autre constructeur ? TdM : Parce qu'il y a eu un précédent, il y a une soixantaine d'années. Il faut rappeler que si Maybach est une marque (re)créée par DaimlerChrysler en 2000, elle avait déjà eu une autre vie avant-guerre. Et il y avait déjà eu une collaboration avec Fulda sur le même thème en 1938, avec la Maybach SW 38. Il se trouve que Fulda sentait approcher son centième anniversaire (en 2005), et voulait frapper un grand coup pour le fêter dignement. Les responsables de Fulda se sont souvenus qu'ils avaient déjà commandité une Maybach, il y a bien longtemps, pour développer des pneus de tourisme à haute vitesse. Ils se sont dit que ce serait bien de refaire le même type d'opération avec nous au 21e siècle.
Motorlegend : Combien a t'il fallu de temps pour créer l'Exelero ? TdM : L'affaire a été menée très rapidement, en moins de deux ans. Les premiers contacts avaient eu lieu lors du Salon de Francfort 2003. Et l'Exelero a établi son record en mai 2005
Motorlegend : Dans quel esprit Maybach et Fulda ont collaboré ? TdM : C'est Fulda qui a prit l'initiative de proposer à Maybach de développer un modèle spécial afin de tester ses nouveaux pneus à très hautes performances, exactement dans le même état d'esprit qu'en 1938. Après présentation du projet à DaimlerChrysler, l'idée fut rapidement acceptée. S'en suivirent des réunions de coordination entre les ingénieurs de Fulda et Leon Hustinx, le Directeur Général de Maybach. Tous étaient d'accord pour que la future voiture reste le plus près possible de l'esprit et de la lettre d'une Maybach de série.
Motorlegend : Mais l'Exelero est tout de même très différente d'une Maybach de route ? TdM : Oui et non. C'est bel et bien une Maybach 57 qui a servi de base à l'élaboration de la voiture de record. C'est toute sa mécanique qui a été reprise. Même si il a subi d'importantes évolutions pour pouvoir atteindre les 350 km/h recherchés, le V12 biturbo reste très proche de la série, malgré ses caractéristiques, 700 chevaux et 1020 Nm, très impressionnantes.
Motorlegend : Le chassis, lui, est très différent… TdM : C'est un chassis « prototype » en effet, construit par le spécialiste italien Stola. Mais nous n'avons pas particulièrement recherché à faire une voiture de course, bien au contraire, son poids très élevé en témoigne. Nous voulions que l'Exelero reste très proche des valeurs de Maybach. Pièce unique, le concept car est représentatif de la stratégie de personnalisation de Maybach, qui a toujours été des plus exigeantes et consiste entre autres à proposer au client des solutions ciblées répondant à ses besoins. Pour réaliser ce modèle spécial pour Fulda, les concepteurs ont gardé le meilleur de deux familles de véhicules : la majesté d'une berline de luxe et la fascination d'un coupé sport. Nous avons repris à notre compte la devise d'Oscar Wilde « Je me contente du meilleur ».
Motorlegend : Effectivement, on est frappé par l'ambiance de raffinement et de luxe qui règne à bord de l'habitacle. TdM : C'était notre exigence. Nous voulions que l'Exelero soit une vraie Maybach, et que le luxe, signe distinctif de la marque, ne soit aucunement sacrifié. L'habitacle est aussi raffiné (cuir, bois, équipements de haut de gamme) que dans une 57 ou une 62. On y a juste ajouté quelques touches de carbone, pour souligner son caractère exceptionnellement performant.
Motorlegend : Tout de même, le look « batmobile » de l'Exelero tranche radicalement avec l'allure des Maybach civiles. Qui l'a dessinée ? TdM : C'est en fait une œuvre collective. Le centre de design de DaimlerChrysler s'est chargé de l'exécution, mais le style a été créé en collaboration avec les étudiants du Collège de Pforzheim, en Allemagne, sous la direction du professeur Harald Leschke. Plusieurs étudiants étaient en compétition. C'est finalement la proposition du jeune Fredrik Furchhardt qui a été retenue, mais certains aspects particuliers proviennent des projets d'autres étudiants. Le résultat est une voiture à très forte image, ce que nous voulions.
Motorlegend : Quel bilan tirez-vous de ce projet très spécial ? TdM : Un bilan extrêmement positif. Tous les objectifs ont été atteints. L'Exelero (qui appartient d'ailleurs à Fulda, et non à Maybach) a établi le record qu'elle visait. Elle a été, autant pour Fulda et ses pneumatiques hautes performances que pour nous, un puissant vecteur d'image, un très bel outil de communication.
source : synthèse de différents articles : http://www.motorlegend.com/evenement-automobile/reportage/maybach-exelero/interview-de-thibault-de-maredsous/8,12420,12414.html