La Mercedes W125 1937Un article de Joël Chassaing-Cuvillier
Automobiles Classiques n° 96 Février/Mars 1999
Source: multimania.frA cette époque, trois marques se disputent les victoires : Alfa Romeo, Auto-Union et Mercedes-Benz. 1934 & 1935 furent des années Mercedes-Benz, la saison 1936 fut dominée Auto-Union et son V16 piloté entre autre part Bernd Rosemeyer. Après la disparition en 1935 du Dr
Hans Nibel le père des
W25, c'est
Rudolf Uhlenhaut, un jeune ingénieur entré au service compétition en 1936, qui prépare l'avenir de la marque, à Untertürkheim. L'avenir, c'est la W 125, une voiture mythique mais éphémère, car sa carrière ne durera que l'espace de l'année 1937.
Dans un premier temps, Rudolf Uhlenhaut s'attache à développer un nouveau châssis. Fritz Nallinger, qui dirige le département des essais produits, donne ses directives : "Le châssis de la nouvelle voiture doit être plus résistant à la torsion, quant à l'empattement, il faut encore l'allonger". Le nouveau châssis-poutre destiné à la W 125 est conçu en tubes d'acier ovales au chrome/nickel/molybdène de 1,5 mm d'épaisseur. Tout en ne pesant que 52 kg, sa rigidité est considérablement améliorée.
La carrosserie fabriquée en aluminium n'accuse, elle, que 30,5 kg sur la balance. Suivant les directives de Nallinger, Uhlenhaut augmente l'empattement pour le faire passer à 2,79 m. Ayant réussi à en éliminer les vibrations, l'ingénieur qui est également un excellent pilote décide de conserver le principe du pont arrière De Dion associé à des barres de torsion. A l'avant, on trouve des doubles triangles de suspension, des amortisseurs hydrauliques et des ressorts hélicoïdaux, l'ensemble boîte-différentiel (la transmission est à quatre rapports) étant monté à l'arrière afin d'obtenir une meilleure répartition des masses. Le châssis est prêt le 1er Février 1937.
Les premiers essais sont effectués avec l'ancien moteur type M25. Le nouveau moteur sera en effet prêt qu'à la fin du mois. Baptisé M125, il s'agit toujours d'un huit cylindres en ligne, mais sa conception a considérablement évolué et il ne pèse plus que 223 kg. Dessiné par Albert Hess sous la responsabilité du Dr Hans Nibel, il n'est pas fondu d'un seul bloc, les cylindres étant montés séparément. Par rapport au M25, utilisé de 1934 à 1936, l'écart entre chaque cylindre a été augmenté, allongeant ainsi les dimensions du moteur.
Une voiture entièrement nouvelleAvec un alésage de 94 mm et une course de 102 mm, il affiche une cylindrée de 5660 cm3. Dans un premier temps, le taux de compression a été fixé à 8,9 : 1, mais il atteindra plus tard 9,4 : 1. Le vilebrequin est à neuf paliers alors que le M25 n'en comptait que cinq. Chaque piston Mahle, forgé en alliage léger, pèse tout même 500 g, et la culasse double arbre comporte quatre soupapes par cylindre, toutes d'un diamètre identique de 39 mm. Le moteur M125 est suralimenté par un compresseur vertical Roots. Le carburant, composé d'un mélange détonant qui comprend 86 % de méthanol, 8,8 % d'acétone, 4,4 % de nitrobenzène et 0,8 % d'ether est comprimé entre les deux carburateurs, de marque Solex, et les chambres de combustion.
La consommation, qui frôle 160 litres aux cent kilomètres !!!! impose deux ravitaillements par grand prix, le réservoir ne contenant que deux cent quarante litres du précieux liquide ! La puissance obtenue varie entre 580 ch et 650 ch à 5800 tr/mn, soit environ 110 ch au litre avec un couple phénoménal de 87 mkg.
Des débuts bientôt tonitruantsLors de sa première sortie en compétition, le 13 Juin au Nürburgring, aux mains de Christian Kautz, un pilote Suisse de 24 ans, la W 125 ne termine que neuvième, en raison de problèmes de surchauffe. Au Grand Prix de Tripoli Hermann Lang remporte sa première victoire de la saison sur la W 125. A cette occasion, Dick Seaman se place septième. Ce pilote anglais très rapide s'exprimait jusqu'alors dans la catégorie 1,5 litre à compresseur au volant d'une Delage d'ERA ou d'une MG. Le 5 Juillet, Seaman se classe deuxième lors de la coupe Vanderbilt à New York au volant d'une W 125. C'est lors du Grand Prix d'Allemagne, couru au Nürburgring le 25 Juillet, que Rudolf Caraciola offre à la W 125 sa première grande victoire en grand prix, devant Manfred Von Brauchitsch sur une autre W 125. Au cours de la saison qui comprenait onze grand prix, Caracciola en remportera quatre, Hermann Lang, deux et Von Brauchitsch, un.
Les Auto-Union devront se contenter de quatre victoires. Pour Alfa Romeo, cette saison 1937 fut une année sans. Lors des Grand Prix de Monaco et de Suisse à Berne, les Mercedes trustent les trois premières places. A Livourne au Grand Prix d'Italie, c'est encore aux deux premières places que les W 125 se classent. Il n'est pas excessif d'affirmer que le championnat d'Europe de 1937 fut monopolisé par Mercedes-Benz. Selon le profil des circuits, la W 125 utilisait des rapports de boîte plus ou moins longs, autorisant des vitesses maximales impressionnantes pour l'époque.
De manière générale, la vitesse maximale était de 270 km/h en quatrième. A Monza, on obtenait 141 km/h en première, 219 km/h en seconde, 254 km/h en troisième et 318 km/h en vitesse de pointe. Lors de Grand Prix de Belgique, à Spa-Francorchamps, la W 125 fut chronométrée à 310,34 km/h. A Berlin, sur le circuit de l'Avus, elle atteignit même les 338 km/h sur l'une des deux lignes droites. Des vitesses obtenues à 5500 tr/mn. Rappelons que la W 125 était équipée de pneumatiques Continental, des 2,25 x 18 à l'avant et des 7 x 19 à l'arrière et que les freins, des tambours de grands diamètres à refroidissement par air, étaient à commande hydraulique Ate-Lockheed.
Les pneumatiques, ainsi que les freins, exigeaient de la part des pilotes quelques ménagements s'ils voulaient finir la course. Lors du dernier grand prix de la saison, qui se courait à Donington Park, les Mercedes se classèrent en deuxième et troisième positions derrière l'Auto-Union de Bernd Rosemeyer. Mais pour cette dernière saison en formule 750 kg, Rudy Caracciola remporta une nouvelle fois le titre de champion d'Europe et cela au volant d'une des voitures les plus fabuleuses qui aient jamais été construites pour la compétition.
Encore une fois, la réglementation destinée à réduire les performances des voitures avait été merveilleusement utilisée par les ingénieur. Mais un nouveau règlement venait d'être édicté. La cylindrée devenait fonction du poids de la voiture. Les moteurs atmosphériques s'étageaient désormais de 1000 cm3 à 4500 cm3, tandis que les versions suralimentées variaient de 666 cm3 à 3000 cm3. Fort du succès du M125, Mercedes décida alors de fabriquer un douze cylindres 3 litres à compresseur. Un moteur qui équipera la W154 tout au long de la saison 1938, mais c'est une autre histoire.