Essai Mercedes 300 SL Roadster ( 1957 )
Par Antoine Arnoux le 24 avril 2012
Source : Sport-Prestige
Il y avait aussi un Roadster. On l’oublie parfois, la Mercedes 300 SL a aussi existé sans ses portes papillon. C’est même elle, l’ancêtre la plus directe de l’actuel SL. Dans l’imagerie Mercedes, on appelle cela un mythe au grand air. PrésentationC’était mieux avant. Non, erreur. C’était plus fou, en revanche. Le Grand Tourisme confinait au sport. À un style de vie entier. Sur le port de Marbella, bercé par le 6 en ligne de cette 300 SL, le constat est sans appel. Superbement décadent. Elle se prête parfaitement au coude à la portière, c’est même ainsi qu’elle s’apprécie le mieux. Même si la 300 SL Roadster ( W198 ) était une supercar lors de son arrivée en 1957, nous avons entre les mains une vénérable pièce du musée Mercedes. Déambuler au milieu des yachts, voilà ce qu’elle faisait il y a quelques décennies. C’est un retour au bercail pour notre jet-setteuse devenue icône…
Quelques heures auparavant, nous étions aux commandes des 435 ch du nouveau SL 500. Lorsque prendre la mesure de l’évolution s’offre à nous, fatalement, on se retrouve dans cet habitacle baigné de lointaines effluves de pétrole, d’huile et de cuir suranné. Le parfum des kilomètres, et des années qui ont marqué ces commandes en bakélite. Le parfum d’une histoire, qui a voulu que la 300 SL soit l’initiatrice d’une dynastie de six générations de roadsters emblématiques.
En réalité, le roadster 300 SL est le remplaçant de la 300 SL Gullwing, à portes papillon ( né en 1952 ). Il apparaît en 1957, motivé par la forte demande du marché américain pour les hautes performances au grand air… Fort du prestige acquis en compétition par son devancier, le roadster 300 SL part déjà d’un bon pied, même si entre temps, il s’est assagi en perdant ses ailes. Tout d’abord, l’ablation du toit a impliqué un poids en hausse d’environ 110 kg dus aux renforts de structure. Le Sport Leicht ( SL, Sport Léger tout simplement ) en prenait un coup, portant la balance à un peu plus de 1330 kg. L’essieu arrière est modernisé, notamment avec un troisième ressort compensateur, afin de stabiliser la poupe.
Le fameux 6 en ligne de 3 litres incliné à 45° ( pour abaisser le centre de gravité ), dérivé de la berline 300 « Adenauer », reçoit aussi quelques modifications idoines, un nouvel arbre à cames notamment, afin de le rendre plus docile. Plus adapté au goût de la clientèle américaine, surtout.
Plus facile, ou plutôt moins rude que le SL papillon, le roadster aime la flânerie. Mais toujours avec attention et application. Aujourd’hui, on a tendance à s’amollir avec nos GT modernes qui se mènent comme un vélo à des allures insensées. Ici, en comparaison, même piloter le 300 SL normalement, c’est presque physique. Mais si on se met dans le contexte de l’époque, elle s’apprivoise facilement. On s’habitue aux quelques subtilités d’ergonomie, comme le cerceau central au centre du volant, activant les clignotants, ou cette position de conduite si spéciale, avec un volant posé sur les jambes. N’accrochons pas nos ceintures, il n’y en a pas, et en route…
Mercedes 300 SL Roadster : supercar… à retardement
Le volant très large, à jante fine, la fait virer… à retardement. La direction à billes, surmultipliée à l’excès, impose de faire plusieurs tours pour les manœuvres en ville. Les 4 tambours freinent à retardement, et l’effet « seau de galet » de la boite vous fait changer les 4 rapports… encore à retardement. Les pistes sont brouillées avec cet engin de course civilisé et lâché sur route, et on se dit qu’il fallait avoir un sacré cran pour l’emmener à ses limites et exploiter ses 215 ch ( à 5800 trs/mn ).
Ce 6 en ligne à injection ( une première à l’époque ) se montre souple, avec son architecture longue course ( 85 x 88 mm ), mais aime aussi prendre des tours. Là encore, cette solution est en décalage avec ce qui est généralement pratiqué sur nos sportives d’aujourd’hui.
On hésite d’abord à donner franchement du gaz. Il tourne rond ce 6 cylindres, mais il s’en tire déjà plutôt bien vers les 3000 tours… Puis on se souvient qu’il s’agit aussi d’un moteur de course. Et c’est magique. On passe du registre d’une vieille voiture, au fonctionnement un peu heurté, à une dimension brutale. Métal hurlant… 4500, 5000 tours. Le cri est devenu perçant, coup de tonnerre d’airain. La zone rouge est à 6000. Halte, nous n’oserons pas en approcher davantage.
Certes, les performances sont modestes comparées à n’importe qu’elle GT moderne ( un peu moins de 10 s pour le 0 à 100 km/h, et environ 230 km/h en pointe ). Mais lorsque nous sommes ainsi en prise directe avec la route, la mécanique et les éléments ( si il pleut, on n’ose imaginer les dérobades du train arrière déjà baladeur ), ces chiffres sentent le souffre.
Le roadster devient étonnamment précis, plus le rythme s’accélère. L’équilibre paraît sain, même avec nos références contemporaines, presque soixante ans après. En fait, il n’y a guère que les freins et cette position de conduite incongrue aujourd’hui, avec l’immense volant posé sur les cuisses, qui perturbent réellement. Le reste, on s’y fait. Même à la direction qui s’allège et devient plus floue à haute vitesse…Étonnant. On ressent très peu de vibrations à rythme de croisière. Sauf sur le rétroviseur central, symbolique. Les kilomètres s’égrènent, préférons oublier la faune qui nous entoure et nous double, malgré nos 140 km/h bien sentis sur cette voie rapide andalouse. Au-delà, cela semble héroïque malgré le confort général de suspension, surprenant pour une auto de cette génération. Les freins toujours, mon bon monsieur… À partir de 1961, 4 disques viendront corriger le problème. Et puis, avoir entre les mains l’une des 1858 représentantes de l’espèce ( certaines ont disparu ) impose un tantinet de réserve.
Mercedes 300 SL Roadster : au final
C’était bien joué. Dans les années 50, avec les références de l’époque, on comprend que le 300 SL se soit érigé en archétype de la supercar. Le mythe perdure aujourd’hui, notamment sur le marché de la collection. Son aura et ses estimations se maintiennent : en général, un beau modèle est rarement adjugé en dessous des 400 000 €.
Aujourd’hui chez Mercedes, la succession incombe plutôt au roadster SLS AMG qu’au nouveau SL, finalement. Reste à savoir si elle parviendra à la même postérité d’ici un demi-siècle. Aujourd’hui, son image est bâtie autour de son superbe V8 6.2 litres de 571 ch. Autres temps, autres mœurs. Ce n’était pas mieux avant, donc.
Caractéristiques techniques :
Moteur : 6 cylindres en ligne longitudinal avant, 12 soupapes
Distribution : 1 ACT
Cylindrée : 2996 cc
Alésage x course ( mm ) : 85 x 88
Puissance maxi : 215 ch à 5800 trs/mn
Couple maxi : 274 Nm à 4600 trs/mn
Transmission : propulsion, boite manuelle 4 rapports
Dimensions L x l x H ( mm ) : 4520 x 1778 x 1300
Empattement ( mm ) : 2400
Poids : 1330 kg
Pneumatiques : 185 R15
Freins av/ar : tambours
Performances : 0 à 100 km/h : 9,8 s
vitesse maxi : 230 km/h